C’est en ces termes que le vieux coyote de la magistrature de l’ouest du Pecos nous a expliqué le chemin à suivre pour trouver son nouveau tribunal. Désormais installé à Liège, le fantasque juge semble avoir de meilleures connaissances en architecture qu’en droit puisque c’est ni plus ni moins que l’ancien palais des princes-évêques de la Cité ardente qu’il a réquisitionné. L’enveloppe versée par le gouvernement semble avoir été utilisée à bon escient.
Trouver son bureau dans le dédale de couloirs est plus simple que mettre la main sur le laissez-passer A38 dans la maison qui rend fou : il suffit de suivre l’odeur de bière qui a dû être fraiche un jour mais ne l’est plus vraiment. Une fois dans l’antre du gourou judiciaire, nous sommes d’abord attirés par un petit bureau sur lequel une plaque en or massif proclame urbi et orbi qu’il s’agit de celui du greffier. Mais son aspect ne laisse planer aucun doute quant à l’appartenance de son occupant à la famille des Ursidés. « Joe est un ours pas toujours bien léché, mais c’est avant tout un auxiliaire de justice assermenté », explique le juge devant notre air plus interloqué que suspicieux.
La table de travail du maître des lieux évoque plus le bureau de campagne du candidat à la mairie que le digne pupitre d’un magistrat assis : plan des différents quartiers de la ville annotés selon leur population au centre, projets de slogan et investiture officielle du parti à droite, budget détaillé des dépenses journalières à gauche ne laissent planer aucun doute sur les activités quotidiennes du secrétaire d’Etat à la Justice. Seul le Code civil périmé, posé négligemment sur un tiroir ouvert (et à l’envers comme il se doit) rappelle le hobby juridique du nouveau mafieux. « A Langtry, j’utilisais les statuts révisés du Texas de 1879 pour appuyer mes décisions : comme le livre est assez gros, je paraissais plus haut sur ma chaise en m’asseyant dessus. Mais maintenant que j’ai franchi l’Atlantique, j’ai dû m’adapter », nous explique-t-il.
C’est qu’il en a parcouru du chemin depuis qu’il a quitté son saloon texan, notre juge naguère auto-proclamé et désormais officiellement nommé par une loi qu’il a proposée lui-même au président. Conseiller municipal après sa première campagne à Castelsarrasin, il devient ensuite maire du chef-lieu de la Haute-Saônne (« T’as voulu voir Vesoul et on a vu Vesoul », glisse-t-il à son greffier plantigrade, qui répond d’un grognement dont on se plait à penser qu’il pourrait signifier « Et on n’a vu que sa mairie »). Grisé par ce succès, il part pour Cayenne dans le but de rouvrir le bagne, mais les électeurs locaux ne le suivent qu’à 8%. C’est donc presque ruiné qu’il revient dans la métropole refaire le plein de plakass dans les villes de moins de 30000 habitants. Débarqué à Tarnos, il fait la rencontre de Mrjoey avec l’aide duquel il remporte la mairie en obtenant des reports en faisant croire qu’ils se présentaient tous les deux au second tour. Les deux compères remettent le couvert à Blois, cette fois honnêtement et le juge montre qu’il peut être chevaleresque quand l’envie lui en prend : arrivé en tête au premier tour, il se désiste au profit de son allié pour lui laisser la mairie et se contenter du titre de maire-adjoint qui manquait jusqu’ici à sa collection. Il propose d’ailleurs ce haut fait d’arme au jury des VPM Performers de février et contre toute attente il termine de justesse dans les huit premiers. Mais l’aventure devrait s’arrêter-là puisqu’il ne décolle pas dans le sondage devant choisir les deux meilleurs. « J’ai pourtant autant de voix que Theghool », précise-t-il en riant dans sa barbe.
Mais comment ce joueur de petites villes, juge solitaire loin de son foyer dans le petit parti qui portait son nom et dont il était l’unique membre-secrétaire-trésorier a-t-il bien pu se retrouver en campagne à Liège ? C’est qu’un événement imprévu est arrivé à la fin de la campagne blésoise : une enveloppe de 500000 plakass est tombée du ciel, venue en droite ligne du budget présidentiel et donc de nos impôts. C’était en fait une amende infligée au ministre des Finances pour un écart de conduite lors des débats du procès de Sarkojul, à la fois la plus élevée infligée et la première réellement payée («Depuis il y a eu aussi le soutien du The Liberal Party Of The World à ma campagne à Liège, que j’avais infligée à Sarkojul. Trois fonctionnaires du secrétariat d’Etat à la Justice on dû s’y mettre mais finalement ça a payé, à ma grande surprise », se bidonne-t-il) . Avec cette manne financière, il a décidé de voir les choses en grand et est allé s’installer en Belgique pour tenter de conquérir une mairie pour y avoir un monument synonyme d’exemption fiscale. Mais malgré une bonne opération chez le bookmaker suite à une nouvelle victoire de Tipo à Nouméa, il se rend bien vite compte qu’avec le coup de la vie sur les bords de la Meuse, il aura vite mangé son magot s’il ne se trouve pas un parti pour le soutenir financièrement. Il jette donc son dévolu sur le seul qui a un nom digne sa condition de magistrat : la Mafia. « J’aurais bien rejoins le parti de la bière et de la justice fraiches, mais ça n’existe malheureusement pas », se justifie-t-il l’air de rien.
La mairie de Liège sera-t-elle bientôt occupée par un barman de formation (il l’a été pour le compte de ses deux frères, d’abord Joshua, premier maire de San Diego, ensuite Sam, shérif dans le Nouveau-Mexique) ? En attendant, il s’occupe en faisant des procès et en exécutant les lettres de cachet du président (« Ce n’est pas moi qui décide, je ne suis qu’un simple exécutant », répète-t-il inlassablement à ceux qui persistent à ne pas comprendre). Pour éviter l’outrage à magistrat il ne faut surtout pas l’appeler « Votre Honneur » lorsqu’il préside une audience. D’abord parce que c’est un américanisme ne se pratiquant pas sur nos terres franco-belges et ensuite parce qu’il a perdu son honneur lorsqu’il nourrissait sa famille en vendant du bois de chauffage volé et du lait mélangé avec de l’eau. « Une épouse mexicaine et cinq enfants, ça consomme beaucoup trop ! J’ai fini par les abandonner pour aller vendre du whisky sous une tente aux ouvriers qui construisaient la voie de chemin de fer entre San Antonio et El Paso. C’était plus rigolo », précise-t-il. Sans doute cela lui rappelait-il sa conduite héroïque durant la guerre de Sécession, lorsqu’il faisait de la contrebande d’armes entre le Mexique et les Etats confédérés. Son côté surréaliste a toutefois percolé dans sa descendance, puisque son petit-fils Frederick Bean Avery est devenu célèbre dans le monde des cartoons burlesques sous le nom de Tex. Mais c’est là une autre histoire…
On ne peut pas terminer le portrait du juge Roy Bean sans préciser que l’ancien président Krustyfrancky lui a attribué le titre de lauréat de l’ambiance. C’était le 27 février dernier, dans le vingt-troisième Bilan de la communauté. Une distinction qui vaut toutes les enveloppes présidentielles du monde pour le juge texan (« Je suis né dans le Kentucky et mes grands-parents sont tous originaires de Virginie », annonce-t-il pour nous embrouiller). Cela ne fera sans doute pas taire les râleurs qui trouvent qu’il prend trop de pouvoir, embête le monde avec ses procès et inflige des amendes dans le seul but de s’enrichir, mais telle une bonne bière fraiche, ça fait quand même du bien par où ça passe. « Oui, mais je garde quand même l’enveloppe, les plakass, c’est bien aussi », assène-t-il en guise de coup de maillet pour conclure. On s’en serait douté !
Autoportrait, par Rembrandt
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