Valérie était une femme imposante. Non pas qu’elle soit particulièrement grande ou large d’épaules, mais elle en imposait par la seule force de son regard, de son expression. Peut-être que le fouet accroché à sa ceinture jouait un peu aussi. Auparavant, elle travaillait pour talisman, le chef du Parti Orgasmique, mais elle était maintenant le redoutable bras droit de zalou, partageant la direction du parti et sa couche aussi, selon les rumeurs. Thomas ne tarda pas pour la faire entrer : si elle était là, c’était pour parler politique, pas pour échanger des banalités sur le perron de sa maison. Il la débarrassa de son manteau et la fit asseoir à la table du séjour, rangeant rapidement les dossiers qui y étaient éparpillés.
« Vous voulez un café ? demanda-t-il à l’arrivante
– Non merci, je ne compte pas m’éterniser »
Elle était en France depuis au moins dix ans, mais quand on entendait son accent, on se doutait qu’elle venait de pas loin du lac Saint-Jean.
« Parlons peu, parlons bien, reprit la québécoise. Vous savez qui je suis, vous savez que je suis là à cause de votre candidature. Ma proposition est simple : la liste du Harem n’a pas encore été déposée, on peut toujours mettre votre nom en troisième place. C’est probablement votre seule chance d’obtenir un poste.
– Qu’est-ce qui vous dit que je veux un poste ? Certains font de la politique par passion, pas par amour du pouvoir.
– Gardez votre beau discours pour les électeurs. En politique, il y a les idées, et il y a l’ambition. Pour les idées, les nôtres sont assez proches pour que ça ne vous empêche pas de dormir la nuit. Pour l’ambition, on vous propose ce que vous pouvez rêver de mieux. Vous pouvez refuser bien sûr, ça serait tout à votre honneur … Mais tout le monde sait bien qu’un politique n’a pas d’honneur, dit Valérie avec une expression indescriptible (que je ne vais donc pas décrire, libre à vous d’imaginer).
– Ce que je peux rêver de mieux, vous dites ? Je crois que ce que je peux rêver de mieux, il faudrait plus qu’une troisième place pour me l’offrir. Zalou ne voudra probablement pas me céder sa place sur la liste alors … je vais la prendre moi-même, répondit Thomas avec la même expression que Valérie (ça se voit pas trop que je suis nul en description ?).
– Très bien, lui lança Valérie en se levant. Je crois que nous n’avons plus grand chose à nous dire. Notre proposition reste ouverte, la liste sera déposée demain … N’hésitez pas. »
C’est drôle, se dit Thomas en lui ouvrant la porte, quand elle a dit sa dernière phrase elle aurait presque pu sembler sincèrement sympathique. Il sourit à l’idée. Même les inventions les plus farfelues du Labo auraient du mal à la rendre sympathique. Il faut avouer qu’elles auraient du mal à faire quoi que ce soit d’utile en fait, à part remonter dans le temps pour réparer leurs propres conneries.
Trêve de galéjades, Valérie partie, il était temps pour notre candidat à la mairie de Toulouse préféré, ce que vous ne pouvez nier vu que je ne vous en ait présenté qu’un, de revenir à sa campagne. Il était déjà 12h, et il se posa devant sa télé pour regarder les dernières nouvelles.
« International : bras de fer entre les Etages-Unis et la VPMie sur les importations de limousine-limousine, le modèle de voiture venue tout droit de la Creuse qui fait un effet bœuf dans le monde entier. Bigbaba, la présidente de la VPMie, dénonce un attentat économique de la part de Don Altrompo après la taxe instaurée par son homologue américain sur ce produit qui, a-t-il déclaré, a été inventé par ‘une face de poire’, ce que Bigbaba a dénoncé comme ‘une attaque sur le physique inacceptable’. »
– Fysk, lança Thomas à son associé, tu penses qu’on peut faire un truc avec la limousine-limousine ?
– Sûrement, répondit l’intéressé, le Limousin appartient au grand Sud dont on revendique l’indépendance, ça peut permettre de prouver la validité économique de notre projet.
– Pas faux. Et puis, si ça peut permettre de taper sur le Labo …
Il s’interrompit.
« Répression violente de la manifestation des vendeurs de croustades contre la hausse des prix de l’armagnac par les autorités du Gers . Les syndicats dénoncent une atteinte aux valeurs du Sud-Ouest. Les trains ont été bloqués dans toute la région à cause d’une grève de soutien des cheminots. »
– Pas mal ça, pas mal. Fysk, tu me mets la défense de l’art de la croustade dans notre programme ! dit-il d’une voix forte. En plus, c’est le Parti Orgasmique qui contrôle le Gers.
C’était l’heure de la pub, il éteignit les infos et commença à travailler sur un nouveau point de son programme, la politique sportive. La polémique était vive entre la municipalité, qui donnait majoritairement des fonds au curling-pétanque, sport inventé à Nîmes et soutenu principalement par Valérie, triple championne du Québec de curling dans sa jeunesse, et les amateurs de lancer de nains dans la Garonne, sport interdit par le ministre Gameknight, opposé sur la question au Parti Orgasmique et notamment à Loloma qui voulait le réintroduire.
Cependant, il décida qu’après une heure de boulot il en avait assez fait pour la journée, un bon politique doit savoir ne rien faire pendant ses heures de travail. Il retravaillerait sur la question le lendemain.
6 janvier 2020, 15h. Deux jours s’étaient passés sans grande nouveauté, quand la sonnerie du téléphone réveilla Thomas au cours de sa sieste. *tralala lalalala lala lalalala* Il décrocha. C’était Fysk. L’excitation dans sa voix était palpable.
« Excuse-moi de te sortir de ta sieste Thomas, mais on a du lourd. Du très lourd. Devine la nouvelle qui vient de tomber à l’instant ?
– Quelque chose de bon pour nous ?
– Je ne te le fais pas dire, allume ta radio, ça tourne en boucle sur VPMarron Toulouse ! »
Thomas mit fin à la conversation et alluma sa radio. Un observateur extérieur aurait cru déceler tous les signes de la démence dans l’expression du jeune homme, à mesure qu’il comprenait enfin l’excitation de son conseiller. Ses yeux brillaient d’un mélange de joie et de folie, un sourire presque dément traversait la partie inférieure de son visage. Et il riait, fort. Cette nouvelle était explosive, une véritable bombe. Décidément, sa campagne ne pouvait pas mieux commencer.
Commentaires
5 réponses à “To win or Toulouse, épisode 2 : Valérie”
Pour tous ceux qui ne comprennent pas l’histoire de la limousine-limousine et de la face de poire, je vous invite à consulter ces 2 excellents tweets (pas besoin d’avoir Twitter)
https://twitter.com/MaxiMaxime/status/928311168942460928
https://twitter.com/johnnysanscash/status/1162101201875415041
Excellent, 5/5 comme d’habitude :)
Bravo ;)
On veut la suite !
Que de suspense !!!!
Bien choisi de mettre en avant notre Val internationale
elle reste quand même moins importante que le petit gros pas très malin cadre des SDF :)